Les Billets Libres (« Témoignages » et « Réflexions ») ne sont pas écrits au nom de Parents & Féministes. Les propos écrits sont personnels aux auteur.es, qui préfèrent souvent rester anonymes.
Trigger Warning (TW) : Accouchement en temps de covid-19, Violences obstétricales, Péridurale inefficace, Césarienne d’urgence, Anesthésie générale sans consentement. Ce témoignage peut être difficile à lire
Nous sommes le 24 mars 2020, mon terme est le 8 avril c’est une petite fille. Elle se présente en siège, je viens donc aujourd’hui, jour de ma 39ème semaine d’aménorrhée à la maternité, car je suis autorisée à accoucher par voie basse maximum aujourd’hui. J’ai rendez vous à 8h et les problèmes commencent…
Je ne peux pas avoir d’accompagnant avec moi dans l’enceinte de l’hôpital, je me retrouve donc seule, enceinte de 39 SA, avec ma grosse valise et le sac à langer plein, à déambuler dans l’hôpital à la recherche du service où je dois me présenter.
Je me retrouve au secrétariat du bâtiment B où l’on m’explique que le médecin s’est trompé en me donnant le rendez-vous et que je dois aller au bâtiment C (qui est séparé en 2 parties : l’une urgences obstétricales/maternité, l’autre hospitalisations suite de couche). Je vais donc aux urgences maternité et là je constate qu’un simple paravent sépare les patientes covid de celles non covid… Une infirmière m’accueille et me dit que je dois aller m’enregistrer mais que ce n’est pas ici que je serai prise en charge. Je vais donc m’enregistrer et je patiente en salle d’attente. Une infirmière vient me voir et me dit de monter directement au 2éme étage. Je me présente donc au 2éme étage et là on me dit que non c’est pas ici, c’est aux urgences, donc là où j’étais tout à l’heure…
Je suis enfin prise en charge par un médecin. Il est 9h35 et c’est à ce moment-là que l’on m’annonce que les papas ne sont pas acceptés pendant l’accouchement. Je m’effondre. C’est notre 1er bébé je ne me vois pas accoucher sans mon mari, mais pas le choix.
On m’installe dans une salle pour m’examiner, monitoring etc. L’infirmière revient, s’excuse et me dit que le papa sera accepté seulement en salle de naissance. Je retrouve le sourire c’est déjà ça. La sage-femme qui m’examine décide que l’on va essayer de me faire accoucher par voie basse mais que du fait qu’elle est en siège ça se passera au bloc.
Je reste dans cette salle jusqu’à 14h environ les contractions sont un peu douloureuses mais largement supportables.
On décide de me passer en salle de naissance, le papa me rejoint donc à ce moment-là, la sage-femme me dit que l’on va me poser la péridurale (sans me demander si je souhaite l’avoir ou pas) puis les hormones de synthèse pour déclencher le travail.
L’anesthésiste arrive, c’est un interne et là le cauchemar commence. Une douleur atroce me prend dans le dos, des décharges électriques horribles. J’en fais part à l’anesthésiste, il réessaie et me dit de ne pas bouger mais impossible pour moi de rester statique avec les contractions et les décharges dans le dos… Il décide donc d’appeler sa collègue, elle commence à poser la péridurale, mais pareil, j’ai très mal elle m’a donc engueulée en me disant « madame si vous bougez je peux pas faire mon travail, la péridurale c’est pas obligatoire, on essaie une dernière fois, et vous ne bougez pas sinon j’arrête et vous vous débrouillez ».
Je reste choquée de ses mots, je m’enferme dans ma bulle. La péridurale est enfin posée. Ironie du sort, elle n’a même pas fonctionné… A plusieurs reprises j’ai fait part à l’équipe du fait que la péridurale ne fonctionnait pas mais je n’ai eu aucun retour…
Vers 19h45 je suis à dilatation complète. Je souffre mais j’arrive à gérer plutôt bien la douleur grâce à mon mari.
Plus tôt dans la journée nous avions vu que le cœur de notre fille baissait beaucoup pendant les contractions. Nous en avons donc fait part à l’équipe qui nous a répondu « oui on a vu c’est pas grave » (C’est pas grave ?! On marche sur la tête !!).
Puis l’équipe m’emmène au bloc, sans le papa qui n’est pas accepté au bloc… Même pas le temps de faire un bisou à mon mari et je me retrouve dans le bloc. Loin de mon mari je n’arrive plus du tout à gérer la douleur. La panique, la peur m’envahissent. Je suis sur une table au milieu de 8 personnes qui s’affairent autour de moi et pas une pour m’expliquer ce qu’il se passe. A un moment une infirmière me dit « madame vous faites n’importe quoi calmez vous respirez »…
Une femme arrive, ne se présente pas, me dit « votre bébé se présente trop haut dans votre bassin et son cœur est trop bas on va faire la césarienne » et elle part sans plus d’explications, me laissant seule avec la peur qu’il puisse arriver quelque chose à mon bébé.
L’opération commence mais malgré une réinjection d’anesthésiant j’ai encore mal. Je le dis à l’équipe et là ma tête tourne, je leur dis et on me répond « c’est normal vous allez vous endormir ». PARDON ?! On m’a endormie sans mon consentement et sans même me prévenir pendant la naissance de ma fille. Naissance que j’ai donc ratée…
Suite à tout ça la petite est emmenée à son papa. Au moment où les infirmières repartent mon mari les interpelle et leur demande ce qu’il en est pour moi (oui oui les infirmières ont oublié de donner de mes nouvelles à mon mari…), on lui répond « elle a été endormie à sa demande ». Mensonge…
Je suis ramenée auprès d’eux encore dans les vapes, et là une infirmière vient, prodigue des soins à ma fille sans expliquer à mon mari ce qu’ils font, c’est lui qui doit demander pour qu’il sache. Nous sommes restés 4h en salle de naissance après la césarienne et à aucun moment ils nous ont proposé de faire du peau à peau ou de mettre la petite au sein, alors que je l’avais demandé dans mon projet de naissance et que l’on m’a assuré que cela serait respecté. Au lieu de ça ils ont donné un BIBERON de lait en poudre à ma fille alors que j’avais clairement dit que je souhaitais allaiter. Quand mon mari a vu ça, il leur a dit « mais attendez ma femme veut allaiter pourquoi donner un biberon à la petite », on lui a dit « la petite a faim donc on lui donne à manger ».
Vers 4h du matin ma fille et moi dormions. Une infirmière est arrivée dans ma chambre pour mettre ma fille au sein, elle nous a donc réveillées toutes les deux. Ma fille pleurait, s’énervait et n’arrivait donc pas à prendre le sein. Et là, l’infirmière a dit « moi j’ai aucune patience pour ça, ça m’énerve » en gavant ma fille de mon sein (chose à ne pas faire si on veut réussir son allaitement). Elle a donc emmenée la petite, lui a donné un biberon de 20ml de lait artificiel que ma fille a vomi aussitôt.
Pour finir j’ai vu directement que ma fille avait un frein de langue. J’en ai fait part à l’équipe pendant mon séjour en maternité mais à aucun moment cela a été vérifié… Ce qui a donc entraîné des crevasses horribles aux deux seins et donc un arrêt prématuré de mon allaitement.
Lilou
Mars 2020, Hôpital intercommunal de Créteil
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