Les programmes d’histoire #MonEcoleSansSexisme

Le témoignage de Nora montre un des effets de l’enseignement de l’histoire dans laquelle les femmes sont largement invibilisées. Les filles ne se voient pas, elles grandissent avec une histoire dont leurs semblables sont exclues.

Le deuxième témoignage illustre le rôle de spectatrices souvent attribué aux femmes. L’enseignante véhicule une vision biaisée de l’Histoire et assigne les enfants à un rôle genré.

Il y a l’Histoire et la manière dont on raconte l’Histoire. Le récit historique est fait de choix.

Longtemps l’Histoire a été racontée comme une histoire des hommes. On a considéré que les femmes ne faisaient pas l’Histoire. Marginaliser leurs rôles nourrit l’idée (fausse historiquement) que « de tout temps, les hommes ont dominé le monde », un argument anti-féministe classique.

« Longtemps l’histoire produite, publiée et enseignée a été une histoire produite pas des hommes, à partir de sources écrites par des hommes, et qui faisaient le récit de l’histoire des hommes. Une histoire qui laissait croire que l’on parlait de l’espèce humaine (hommes et femmes) mais qui, en y regardant de plus près, ne parlait que de la moitié de l’humanité – la moitié masculine. » Rage against the machisme, Mathilde Larrère

En CM2, pour le thème, « Le temps de la République », où il s’agit d’étudier l’évolution de l’acquisition des droits des femmes depuis la Révolution française, le rôle des femmes n’est pas toujours mentionné. (mémoire de Océane Danse – 2018). Pourtant les femmes sont particulièrement actives pendant la Révolution française, comme lors des journées du 5 et 6 octobre 1789 où un groupe de femmes va chercher la famille royale à Versailles pour la ramener à Paris.

Le programme de 4ème comporte tout un chapitre sur la « conquête » du droit de vote au XIXe, il est pertinent de toujours préciser qu’il ne concerne que les hommes. Ainsi l’expression «suffrage universel masculin » est plus juste que « suffrage universel » puisque seuls les hommes pouvaient voter. Seul le tout dernier chapitre de l’année concerne « les conditions féminines au XIXe », il est plus intéressant de l’ajouter sur les chapitres précédents portant sur la « conquête » du droit de vote et sur la IIIe République.

Depuis les années 1970 de nombreuses historiennes* ont étudié l’histoire des femmes et du genre. Leurs recherches ont permit de souligner la grande diversité des rôles qu’ont pu jouer les femmes à toutes les époques.

L’histoire des femmes n’est pas marginale, c’est l’Histoire.

« On a effacé celles qui avaient agi, celles qui, dans le passé, avaient gouverné, parlé, dirigé, créé. On nous a raconté que d’elles, il n’y avaient rien à dire puisqu’elles auraient été empêchées. Si les femmes n’apparaissaient pas dans l’histoire, c’est parce qu’elles avaient été trop occupées avec les enfants, le ménage et le ragoût de pommes de terre. C’est faux. » Les grandes oubliées Titiou Lecoq

Expliciter la spécificité des femmes tout au long de l’Histoire fait prendre conscience de la construction des stéréotypes de genres. L’histoire des femmes et du genre est souvent considérée comme militante. Or, changer de point de vue pour raconter une Histoire mixte permet avant tout de raconter une Histoire plus proche du réel, qui n’ignore pas arbitrairement la moitié de la population.

L’histoire est loin de se réduire à celle des hommes de pouvoirs. Sans oublier que travailler sur les femmes exceptionnelles est certes utile pour donner des modèles aux élèves mais la focale sur les femmes exceptionnelles cache les autres. Elles deviennent une sorte d’archétype qui peut faire dire « voilà quand on est exceptionnelle on peut se faire remarquer même si on est une femme ». Par exemple Jeanne d’Arc cache toutes les autres chevaleresses.

De nombreuses femmes pourraient être ajoutées aux manuels scolaires.

Les femmes ne doivent plus être cantonnées à des chapitres  spécifiques.

Expliciter la spécificité des femmes tout au long de l’histoire permet de faire comprendre la construction des stéréotypes de genres.

L’histoire que les enseignant.es transmettent est celle qu’iels ont appris. C’est difficile d’enseigner une autre histoire sans avoir été formé.

Actuellement l’enseignement de l’histoire mixte passe par la bonne volonté des enseignant.es.

Faire autrement, c’est possible !

Un contre-témoignage

Lorsque le thème du Moyen-Âge a été traité dans la classe de mon fils, l’enseignante leur a parlé de chevaliers et chevalières, et a affiché une frise des capétiens faisant apparaître Blanche de Castille (pas juste les rois donc, mais aussi les régentes). Et les enfants ont travaillé sur le roman « La bague aux trois hermines » d’Evelyne Brisou-Pellen, un roman jeunesse avec deux filles comme personnages principales.

Que faire ?

En tant que parent :

  • De nombreux livres, pour enfants ou ados, mettent en valeur le rôle de femme que l’histoire scolaire néglige. Exemples : le podcast « Les Odyssées » (France Inter), la collection « Petite & Grande » (Kimane Editions), « Histoires du soir pour filles rebelles » (Les arènes), « Histoire pour les enfants qui veulent changer le monde » (Mazarine) « Les Culottées » de Pénélope Bagieu (Gallimard), « J’aimerais te parler d’elles » (Albin Michel), etc.

En tant qu’ enseignant.es :

  • L’association MNÉMOSYNE a réalisé un manuel «La place des femmes dans l’histoire». Il a été conçu comme une réponse scientifique et pédagogique à la faible place des femmes dans l’enseignement de l’histoire, ainsi qu’un podcast « du genre dans l’histoire ».
  •  La revue Clio Femmes, Genre, Histoire
  • Le livre, Les grandes oubliées, de Titiou Lecoq, vulgarise les travaux des historiennes des femmes et du genre.
  • L’excellent numéro de la revue « Documentation photographique » sur la condition des femmes de 1789 à nos jours (CNRS, 2022) ;
  • Le formidable site « L’histoire par les femmes » ;
  • La plateforme Matilda, qui propose des vidéos pédagogiques sur toutes les disciplines en questionnant l’égalité des sexes;
  • Le livre de Mathilde Larrère, « Rage against the Machisme », retrace l’histoire des combats féministes depuis la Révolution française (Poche, 2022)

Néanmoins, il ne s’agit pas d’une question а régler individuellement, mais bien collectivement, avec des mesures politiques.

  • Il est nécessaire de mettre en place des formations, initiales et continues, à l’histoire des femmes et du genre.
  •  Les programmes scolaires doivent clairement expliciter une histoire mixte.

C’est pourquoi Parents & Féministes milite pour que les programmes d’histoire prennent en compte les apports des historiennes des femmes et du genre et que les enseignant·es soient tous·es formées et outillé·es pour une école sans sexisme.

HISTORIENNES* : Michelle Perrot, Michele Dumont, Marie-Jo Bonnet, Yannick Ripa, Bibia Pavard, Judith Butler, Christine Bard, Mathilde Larrère, Madeleine Rebérioux, Rolande Trempé,  Michelle Zancarini-Fournel, Sylvie Schweitzer…

RESSOURCES :

  • LA PLACE DES FEMMES DANS L’HISTOIRE, UNE HISTOIRE MIXTE, Une histoire des femmes et du genre dans le cadre des programmes scolaires d’ histoire Geneviève Demenjian (Belin 2010)

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