Les Billets Libres (« Témoignages » et « Réflexions ») ne sont pas écrits au nom de Parents & Féministes. Les propos écrits sont personnels aux auteur.es, qui préfèrent souvent rester anonymes.
Trigger Warnings : Accouchement en temps de covid-19, Violences obstétricales. Ce témoignage peut être difficile à lire.
J’ai accouché le 21 mars, soit la première semaine du confinement.
Les contractions ont commencé le jeudi vers 19h, à minuit les contractions étaient rapprochées de 7 minutes et nous décidons de partir pour la maternité avec mon conjoint.
La sage-femme m’examine et me dit que selon le monitoring mes contractions sont faibles et que le col n’est pas dilaté. Je dois revenir que si les contractions sont espacées d’au moins 5 minutes. Nous repartons donc à la maison.
Je passe la nuit à me tordre de douleur les contractions sont de plus en plus douloureuses mais toujours toutes les 7 minutes. Le lendemain matin je suis épuisée et je hurle de douleur, mon conjoint décide de repartir pour la maternité. On m’examine de nouveau et la sage-femme me dit que le col n’est pas dilaté et que ce ne sont pas des contractions.
Nous rentrons à la maison, je suis complètement perdue. Je précise que c’est notre premier enfant, je n’ai donc aucune idée de ce qu’est une contraction. Je souffre le martyr, je me traîne désormais par terre à chaque contraction, je suis épuisée après 14 heures de douleur sans répit. Je cherche sur internet pour comprendre ces douleurs par vague qui me saisissent dans tout le ventre et dans le dos, et puis je commence à avoir peur pour mon enfant.
En googlant, je pense avoir trouvé mon problème, je dois faire des coliques néphrétiques. J’appelle mon médecin généraliste en urgence qui me donne rendez-vous à son cabinet à 13h. Encore 2 heures à attendre ! Elle m’examine et là je me tords littéralement de douleur et j’agrippe son bureau. Elle pose la main sur mon ventre, et me dit « vous êtes en plein travail ! J’appelle la maternité, on ne peut pas vous laisser comme ça ! », et moi qui répond « merci je le savais ! Mais la maternité me dit que ce ne sont pas des contractions et refuse de me prendre en charge, ça fait 17H que je souffre ! »
Elle appelle la maternité et leur demande soit de me prendre en charge, soit de l’autoriser à me donner des antalgiques. La maternité refuse la prescription d’antalgiques pour cause de Covid je suppose, et propose de me renvoyer pour me réexaminer.
Nous arrivons donc de nouveau aux urgences obstétricales. L’infirmière me reconnaît et me dit « on vous a dit de ne pas revenir si les contractions ne sont pas rapprochées de 5 minutes ! Vous n’êtes pas en travail ! ». J’insiste et stipule que c’est mon généraliste qui a appelé la maternité pour une prise en charge. On me laisse passer, mon conjoint attend dans la salle d’attente !
En attendant que l’on m’examine je m’accroupis par terre dans le couloir à chaque contraction et crie, une praticienne passe et me dit « dites donc c’est le jour et la nuit quand vous avez des contractions ».
La sage-femme qui m’avait dit que je n’avais pas de contractions me prend en charge et voit que je suis dilatée à 3cm ! On me garde enfin alléluia ! Cette dernière me demande énervée « pourquoi êtes-vous allez voir votre généraliste », je réponds bêtement « vous m’aviez dit que ce n’était pas des contractions, je me suis mise à douter et à avoir peur ».
Je demande la péridurale, elle me dit d’attendre encore une heure si possible pour lui faciliter le travail, je lui fais confiance et accepte, après tout c’est elle la professionnelle de santé. Je ronge mon frein une heure de plus, et finis par appeler l’infirmière pour une péridurale, ils me feront patienter une heure de plus après avoir insisté lourdement cette fois !
Ils font venir mon conjoint, après 20h de contractions non stop, la péridurale est posée, je suis épuisée mon conjoint aussi ! Nous dormons toute la nuit ! Puis vers 6 heure du matin la sage-femme qui était adorable (équipe de nuit) m’examine et voit que malgré que mon enfant soit positionné tête en bas il regarde en haut ce qui peut provoquer des difficultés pour qu’il s’engage dans le bassin. Elle propose de lui tourner la tête. J’accepte. La manœuvre ne marche pas et elle me propose d’appeler une collègue plus expérimentée, j’accepte. Sa collègue n’y arrive pas non plus. Elle demande à une autre sage-femme qui n’y arrive pas non plus. L’interne en gynécologie appelle le gynécologue de garde, qui opère la manœuvre sans mon consentement et me fait horriblement mal alors que je suis sous péridurale et que les 3 sage- femmes précédentes ne m’ont pas fait mal !
Cette manœuvre qui consiste ni plus ni moins à fister la mère pour atteindre la tête du bébé, n’est pas sans risque ! En effet à chaque tentative le cœur du bébé ralentit. Et suite à l’intervention du gynécologue de garde le cœur de mon fils a mis près de 10 minutes avant de retrouver son rythme normal.
Le gynécologue est sorti de la salle de naissance, j’ai demandé à l’interne et à la sage-femme en qui j’avais confiance et qui ont assisté à la scène de rester. Je leur dis que cette pratique, qui visiblement ne marche pas, n’est pas sans risque, et que cela avait mis mon enfant en souffrance et que je n’étais plus disposée à réitérer. Je précise également que si cet accouchement ne doit pas se faire par voie basse, alors je suis prête pour une césarienne si cela est moins risqué pour mon enfant. Je leur notifie aussi que je ne souhaite plus revoir le gynécologue de garde.
30 minutes après, l’équipe de jour est venu prendre le relais, finalement mon fils a tourné sa tête tout seul, et la poussée a pu commencer ! La sage femme de jour m’a dit qu’elle allait peut-être devoir appeler le gynécologue de service, j’ai dit que je ne voulais pas le voir, elle m’a répondu qu’elle n’aurait peut-être pas le choix. Ses paroles ont provoqué une rage en moi, j’ai poussé trois fois plus fort et mon fils est venu au monde sans que ce praticien ait besoin d’enfourner ses mains en moi ! Il était hors de question qu’il soit la première personne à toucher mon fils !
Nous avons donc pu savourer ce moment de bonheur avec mon conjoint. Le peau à peau m’a fait oublier ces 40 heures de travail et ces 20 heures de douleurs, en revanche je n’oublierai jamais la violence avec laquelle le gynécologue de garde est intervenu. Intervention qui plus est inutile ! Mon conjoint a dû partir 2 heures après l’accouchement.
N’ayant pas eu de césarienne ni d’épisiotomie j’ai pu bénéficier d’un retour anticipé à la maison. Heureusement car les deux jours éloignés de mon conjoint seule avec mon fils ont été longs et fatigants ! Notre nouvelle vie a vraiment pu commencer à ce moment là et pour notre plus grande joie.
Voilà mon accouchement sous COVID.
J’ai voulu un accouchement sans douleur, je ne l’ai eu que partiellement.
J’avais la hantise des violences obstétricales et finalement je n’ai pas été épargnée.
Je voulais avoir mon conjoint à mes côtés pendant le séjour à la maternité, j’ai été chanceuse, il était à mes côtés pendant l’accouchement, et heureusement car sans lui je ne suis pas sûre que j’aurais échappé à la césarienne faute de force.
Je me considère chanceuse car l’accouchement par voie basse s’est bien terminée et la joie et l’émotion ont été au rendez-vous.
Je suis quand-même fière de moi et d’avoir tenue bon !
Marjorie
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