
Les Billets Libres (« Témoignages » et « Réflexions ») ne sont pas écrits au nom de Parents & Féministes. Les propos écrits sont personnels aux auteur.es, qui préfèrent souvent rester anonymes.
Il s’agit de libérer des paroles, de susciter des réflexions, de refléter nos doutes et questionnements. Et de montrer que malgré des expériences et des opinions différentes, nous pouvons agir ensemble vers un but commun : la fin du sexisme dans la parentalité.
Dans cette société patriarcale qu’est la nôtre, la femme est tenue par les tabous autour de la maternité. La maternité DOIT être belle, réjouissante et sans défaut. La femme ne doit pas exposer ce qu’elle ressent réellement au risque de passer pour une « mauvaise mère ». Cette injonction à la maternité parfaite est dommageable de mon point de vue. Parce qu’elle nous isole. Qui peut m’affirmer ne jamais avoir ressenti de la solitude, de la détresse, à un moment donner ? Et pourtant si vous posez la question, quasiment à tout les coups la réponse sera « oh non, la maternité c’est merveilleux, tout se passe à merveille, bla-bla-bla ».
Alors toi, jeune maman, tu peux ressentir un sentiment étrange face à cette réponse, celle de ne pas être à la hauteur de CE QUE LA SOCIÉTÉ attend de toi, parce que toi, cette nuit, ce matin ou en fin de journée tu as trouvé ça dur, c’était difficile de répondre aux besoins de ton bébé, parce que tu es éreintée et que ton corps te fait encore souffrir. Parce que tu étais seule. Parce que la société ne permet pas au deuxième parent de rester suffisamment longtemps à tes côtés pour que toi tu te remettes physiquement et psychologiquement de l’épreuve que tu viens de subir. Parce qu’une fois le bébé né tu redeviens une personne lambda, qui se doit d’aller bien. Terminé la fascination que tu exerçais sur les gens avec ton ventre arrondi.
Parce que pendant 9 mois tu t’es préparée mentalement à accueillir un bébé mais que personne ne t’a préparé à ce que tu allais vivre dans ton corps et dans ton esprit. Bien sûr tu t’attends à souffrir lors de l’accouchement, mais qui a pensé à te dire que les douleurs ne s’arrêtent pas avec la naissance ? Qui t’as prévenue que tu ne reconnaîtrais pas ton propre corps, qui, il y a encore quelques heures, quelques jours, quelques semaines, était ta plus grande fierté ? Ce ventre, qui abritait il y a peu ton enfant, devenu une poche vide, vidée de son sens, que tu as du mal à accepter. Pas seulement pour l’aspect esthétique. Mais parce qu’il symbolise le fait que toi et ton bébé êtes désormais deux personnes à part entière. Ce ventre mou, flasque et sans tonus, qui se coince dans tes fermetures éclairs quand tu t’habilles.
Tu ne reconnais plus ton corps : ni ton ventre, ni ton sexe, ni tes seins. Tout chez toi est devenu différent. Aller aux wc te demandera des efforts insoupçonnés, car forcer sur ton périnée peut te faire souffrir quelques temps encore, que tu appréhendes de pousser dessus, les souvenirs de l’accouchement étant encore ancrés dans ta chair. Sans parler pour celles qui ont un périnée portant les traces de déchirures ou d’épisiotomie. Dans ce cas, même uriner te fera mal. La mémoire de la chair va être persistante. Tu auras l’impression qu’un camion t’a roulé dessus. Tu saigneras encore plusieurs semaines, ce qui te fatiguera. Tu appréhenderas le contact sur ton nouveau corps, les examens à venir pourront être source d’appréhension car ton corps, ton sexe traumatisé, eux, n’ont pas oublié. Ta libido fera certainement partie des portés disparus encore quelques temps. Et du temps, il va en falloir pour que ton corps récupère.
Tes douleurs physiques pourront avoir un impact sur ton moral. La fameuse redescente hormonale. Tu viens d’avoir ton bébé, tout « va bien », mais toi tu pleures sans en comprendre les raisons. D’un coup, tout te fait peur, tout te fait pleurer. Si t’as de la chance ça ne dure que quelques jours. Mais certaines passeront par la case de la dépression post partum.
Devenir maman c’est apprendre à gérer de front ce petit être, à le déchiffrer, tout en essayant de découvrir qui tu es devenu, d’apprendre à redécouvrir ton corps et l’accepter. C’est aussi essayer de faire la part des choses entre ton corps de femme et ton corps de maman. Être maman c’est merveilleux mais c’est difficile. Et regarder la vérité en face, oser en parler n’enlève rien à ta capacité d’être une bonne mère ni d’aimer ton bébé d’un amour inconditionnel. Parce que oui avoir un bébé ce n’est pas que l’aspect glamour de la chose. Avoir un bébé c’est aussi passer par ce post partum compliqué.
Alors parlons-en, arrêtons de se cacher derrière les images idéalisées de la maternité. Allongeons le congé deuxième parent pour pouvoir laisser du temps aux jeunes mamans pour se remettre de cette épreuve, pour qu’elles puissent appréhender plus sereinement la maternité.
La lutte continue
Rachel (@sweety_feminist_mum)
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