P&F, Maman Blues, le Pa.F et la Collective des mères isolées dénoncent un rapport de la Cour des Comptes

Lundi 16 décembre 2024

Alors que plus personne ne croit à la promesse de 200 000 nouvelles places en crèche, la Cour des comptes a publié jeudi 12 décembre un rapport inquiétant et consternant sur la petite enfance, proposant de gérer la crise du secteur en utilisant les femmes comme variable d’ajustement. Nos associations appellent les parlementaires et le futur gouvernement à emprunter une autre voie.

La Cour des Comptes a publié ce jeudi 12 décembre un rapport sur la politique d’accueil du jeune enfant, préconisant d’étendre le congé maternité à cinq mois et de réformer le congé parental, avec un objectif comptable clairement assumé : “réduire la demande d’accueil du jeune enfant” pour “améliorer l’adéquation entre l’offre et la demande”. Ces propositions sont ainsi froidement converties en nombre de places d’accueil que l’Etat pourrait, en théorie, “économiser”. 

Rarement un document n’a aussi ouvertement compté sur les femmes comme variable d’ajustement.

Étendre le congé maternité et réformer le congé parental ? Bien sûr ! Nous ne sommes évidemment pas contre. Mais si cela ne s’accompagne pas de mesures en faveur de l’égalité entre les parents, cela risque de renforcer les inégalités domestiques et professionnelles. Or, l’égalité femmes-hommes est à peine citée dans le rapport. Et cela se voit.

Ainsi, le rapport mentionne à peine la possibilité d’étendre le congé paternité, et cette option n’est ni chiffrée ni commentée. Ce faisant, le rapport renforce l’idée qu’il existe un parent principal naturel, la mère, et un parent secondaire. Est-ce si étrange d’imaginer qu’un enfant puisse être gardé par son deuxième parent ?

De plus, la proposition faite par la Cour des Comptes de réformer le congé parental, bien que moins problématique que le projet de “congé de naissance” du précédent gouvernement, n’est pas de nature à réduire les inégalités entre les parents. Actuellement, seulement 67% seulement des pères prennent l’intégralité de leur congé paternité alors qu’il permet un quasi-maintien de salaire, comment imaginer qu’ils s’empareront massivement d’un congé indemnisé à 50% du salaire brut ? Là encore, la logique comptable prévaut : l’indemnisation est plafonnée à 1400€, un montant fixé en fonction du coût pour les finances publiques de la garde d’un enfant. Les femmes à la maison, mais à condition qu’elles ne coûtent pas plus cher à l’Etat qu’un enfant accueilli en crèche ou chez une assistante maternelle !

En outre, raccourcir la durée d’indemnisation du congé parental à 9 mois au lieu de 24 (et à 4 mois et demi au lieu de 6 pour le premier enfant) pose la question des solutions faites aux familles qui n’ont pas accès à un mode d’accueil pour leur enfant et subissent la situation (20% des familles). L’allaitement n’est pas non plus évoqué dans le rapport.

Enfin, le rapport justifie sa proposition par le bien-être des mères, en feignant d’ignorer que la période du post-partum est une période ambivalente pour bien des mères. Toutes n’apprécient pas d’être isolées seules avec un nourrisson alors qu’elles ont besoin de repos pour se remettre de leur accouchement. 15 à 20% d’entre elles souffrent de dépression du post partum.

Les femmes ne peuvent pas continuer à porter seules le poids des ajustements structurels nécessaires, et les familles qui aspirent à un modèle plus égalitaire doivent cesser d’être pénalisées. 

Nous appelons le nouveau gouvernement et les parlementaires à emprunter une autre voie. Nous laissons aux professionnel.le.s de la petite enfance le soin de commenter les recommandations de la Cour sur le secteur et les assurons de notre soutien. 

Nos associations ont déjà formulé des propositions précises et détaillées, visant à agir simultanément sur trois volets : 

  • Un congé du co-parent étendu et renforcé : la part obligatoire et non fractionnable de ce congé devrait être étendue à huit semaines, soit la même durée que la part obligatoire du congé maternité, et la durée totale du congé doit se rapprocher de la durée du congé maternité complet – une proposition largement consensuelle au sein du mouvement féministe.
  • Une réforme ambitieuse des congés parentaux, basée sur une indemnisation juste, permettant à tous les parents d’avoir le choix. Notre coalition soutient la proposition de Parents & Féministes d’un congé long et dégressif : bien rémunéré les premiers mois, puis le maintien d’une indemnisation longue jusqu’aux deux ou trois ans de l’enfant pour celles et ceux qui ne ne souhaitent pas ou ne peuvent pas reprendre le travail (une situation souvent subie, faute de solution d’accueil pour leur enfant). 
  • Un véritable plan pour résoudre la crise du secteur de la petite enfance, en rappelant qu’Emmanuel Macron a été élu en 2022 en promettant un “droit opposable au mode de garde”. On en est bien loin.

Comme nous l’affirmons régulièrement, le service public de la petite enfance est un enjeu féministe.

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