Le 16 janvier, Emmanuel Macron a évoqué les congés parentaux et la lutte contre l’infertilité pour servir un objectif de “réarmement démographique”. Alors que le gouvernement refuse depuis des mois d’inclure les associations de défense des droits des femmes dans les concertations, ces propos sont inquiétants sur la forme et sur le fond. Les annonces sur les congés familiaux posent question, et sont décevantes car elles n’incluent pas d’annonces sur le congé paternité et le service public de la petite enfance..
“Réarmement démographique” : c’est avec consternation que Parents & Féministes a écouté ces mots du Président de la République. Depuis des mois, notre association dénonce la montée préoccupante d’un discours nataliste dans le débat public, qui réactive un continuum historique anti-féministe. Cela fait écho à des obsessions de l’extrême-droite, et à une longue histoire d’instrumentalisation du ventre des femmes à des fins politico-économiques. Les termes choisis par Emmanuel Macron y ajoutent un ton martial aggravant.
Par ailleurs, Emmanuel Macron a associé la responsabilité parentale dans les émeutes de juillet dernier – une approche déjà très discutable en soi ! – avec les enjeux de petite enfance (« accompagner les familles pour les aider, ce qu’on a commencé à faire avec le programme des 1000 premiers jours »). Stop ! La petite enfance et le soutien à la parentalité revêtent des enjeux d’égalité entre les femmes et les hommes, de droit des enfants, de lutte contre la pauvreté, et de santé publique, pas de contrôle social et de maintien de l’ordre !
Des congés de naissance éloignés de l’objectif d’égalité femmes-hommes
Le projet de congé parental “plus court et mieux rémunéré”, déjà évoqué cet été par Aurore Bergé, reste trop vague à ce stade pour permettre un réel débat. Dans l’absolu, il est positif que le principe d’une réforme des congés parentaux soit à l’agenda, car la situation actuelle n’est pas satisfaisante. Mais nous nous méfions d’une réforme présentée comme un enjeu économique ou démographique, sans référence aux droits des enfants et à l’égalité femmes-hommes, a fortiori dans un contexte où le gouvernement a refusé d’inclure les associations des défense des droits des femmes dans sa concertation.
Les questions sans réponse sont nombreuses ! Quel budget supplémentaire va être alloué à la réforme ? Quid du congé parental à temps partiel ? “Mieux rémunéré”, qu’est-ce que cela signifie ? Quant à “plus court” : comment éviter qu’un congé plus court ne se traduise par un recul en termes de droits, au détriment des parents – pas seulement les mères – qui souhaitent rester aux côtés de leur enfant, et de ceux et celles (surtout celles) qui n’ont pas de solution de garde ? En somme, les parents qui le souhaitent devraient pouvoir rester auprès de leurs enfants dans des conditions dignes, grâce à une meilleure rémunération et une durée suffisante, tout comme les femmes dont ce n’est pas le choix ne doivent plus être la variable d’ajustement d’un secteur de la petite enfance en crise.
Mais nos points de vigilance se situent aussi dans les silences du gouvernement : silence sur le congé paternité, et silence sur le service public de la petite enfance. Or, les trois sont liés – revalorisation du congé parental, extension de la part obligatoire du congé paternité, service public de la petite enfance.
D’abord, Emmanuel Macron ne s’est pas engagé à étendre simultanément la part obligatoire du congé paternité (pour tous les co-parents), ce qui fait craindre un accroissement des inégalités parentales entre les femmes et les hommes . Ce n’est pas qu’une question de droit pour les pères, mais un enjeu d’égalité face aux responsabilités parentales, qui aurait pour effet collatéral bénéfique de renforcer le droit des mères à se reposer après un accouchement – un droit aujourd’hui largement entravé – et de réduire les inégalités domestiques, parentales, socio-économiques et professionnelles.
Ensuite, rien n’a été dit sur le service public de la petite enfance. Or, le congé parental est parfois un palliatif à l’absence de solution de garde. Que va-t-il se passer pour les milliers de parents qui n’auront ni solution de garde, ni congé parental ?
Infertilité : d’accord, mais avec quels moyens ?
Concernant le plan de lutte contre l’infertilité, nos pensées vont à toutes les femmes qui affrontent des parcours éprouvants de PMA. Mais avec quels moyens ? La situation des maternités est préoccupante un peu partout sur le territoire, avec des délais d’attente déjà très longs pour accéder aux parcours de PMA. Notre vigilance sera grande pour que la lutte contre l’infertilité ne se fasse pas au prix d’une mise en concurrence entre les motifs de recours à la PMA pour les femmes (infertilité, femmes seules, couples de femmes…), voire entre accès à la PMA et accès à l’IVG. Ces tensions se font déjà sentir dans les blocs opératoires de nombreux hôpitaux sur le territoire.
Par ailleurs, on sait que la santé environnementale fait partie des causes d’infertilité des hommes et des femmes. Quid des perturbateurs endocriniens, de la prévention de la pollution ? Une politique de lutte contre l’infertilité crédible passe aussi par des politiques environnementales et de santé publique plus fortes.
Le gouvernement veut des bébés ? Qu’il crée les conditions pour que les femmes aient la liberté effective d’en avoir quand elles veulent, autant qu’elles veulent, si elles en veulent, dans une société équitable et paritaire, sans être pénalisées. Mais qu’il cesse de voir dans nos utérus et dans nos enfants des armes au service de la France !
